En 2022 le suivi de la population de Rougequeues noirs continue à La Valla-sur-Rochefort. A nouveau une équipe de chercheurs sera présente à partir du 10 mars jusqu’au 30 juin pour l’étude à long-terme des vocalisations du rougequeue noir : Tifany Volle (Université de Nanterre) poursuit son projet de doctorat, encadrée par Tudor Draganoiu. Léa Brun (Université Jean Monnet de Saint-Etienne) sera présente de fin mars à fin mai pour son stage de Master 1. Les rougequeues noirs sont bagués grâce à une autorisation délivrée par le Muséum National d’Histoire Naturelle à Tudor Draganoiu, permettant leur suivi d’une année à l’autre. Ainsi, l’année dernière, 47 oiseaux ont été enregistrés et 20 ont pu être bagués pour être reconnus les saisons suivantes. Le doyen du village avait 7 ans et se trouvait à l’Orme, hameau où il est installé depuis 2015 (en photo).
Cette année une équipe de chercheurs sera à nouveau présente à La Valla-sur-Rochefort pour l’étude à long-terme des vocalisations du rougequeue noir : Tifany Volle (Université de Nanterre) poursuit son projet de doctorat (mars-septembre), encadrée par Tudor Draganoiu. Nicolas Coron (Université Jean Monnet de Saint-Etienne) sera présent en avril et mai pour son stage de Master 1. Les rougequeues noirs sont bagués grâce à une autorisation délivrée par le Muséum National d’Histoire Naturelle à Tudor Draganoiu, permettant leur suivi d’une année à l’autre. Ainsi, l’année dernière, 57 oiseaux ont été enregistrés et 33 ont pu être bagués pour être reconnus les saisons suivantes. Le doyen du village avait 6 ans et se trouvait à l’Orme, hameau où il est installé depuis 2015 (en photo).
Les travaux précédents ont permis de mettre en évidence l’existence des variations dans les chants des mâles à l’échelle du hameau (micro-dialectes ou « patois » très localisés). Les objectifs du projet actuel sont 1) d’approfondir les connaissances sur l’apprentissage du chant des rougequeues : comment permet-il la mise en place de ces micro-dialectes ? Pour cela nous réaliserons cette année encore des captures et des enregistrements dans les différents hameaux (Bourg, La Chaize, La Fey, l’Orme, La Côte, Vonette, Esserméant, Baconnin, Le Bouchetal, Chaumay, La Niole) à quatre moments de l’année : à l’arrivée des oiseaux, en mars, entre avril et mai, en juin et en septembre, avant leur départ en migration et 2) comprendre si les oiseaux réagissent différemment face aux intrus en fonction de leur origine. Les oiseaux se comportent-ils de la même façon à l’écoute des chants de leur propre hameau et des chants issus d’un hameau différent ?
Nous tenons à remercier les habitants pour leur accueil chaleureux depuis toutes ces années.
Tifany Volle et Tudor Draganoiu
LE DOYEN PHOTO PRISE EN 2020
Le rougequeue noir - roi des toits
Le rougequeue noir est un petit passereau migrateur qui arrive à La Valla au mois de mars où il demeure jusqu’à la fin du mois d’octobre, avant de repartir hiverner autour de la Méditerranée. Cela peut donner des idées si l’on trouve l’hiver trop long…
C’est un oiseau qui vient à l’origine des zones pierreuses de montagne, on va donc le retrouver seulement dans les hameaux et non pas dans les zones boisées. Le comportement territorial le plus saillant est le chant des mâles, postés souvent sur un toit ou un poteau électrique. Grâce au marquage avec des bagues de couleur, nous avons observé que les adultes sont fidèles à leurs territoires d’une année à l’autre, en revenant exactement dans les mêmes hameaux. Leur durée de vie est en moyenne de 2-3 ans et le record d’âge fut enregistré à La Niole en 2007 : il s’agissait d’un mâle de 7 ans.
Le plumage permet d’établir des catégories d’âge. Ainsi, les mâles ont un plumage gris au cours de leur première saison de reproduction (l’année suivant l’éclosion) puis ils opèrent leur mue après la reproduction au mois d’août, atteignant ainsi leur plumage définitif, noir avec un liseré gris sur le front et une tâche blanche sur l’aile. Le plumage des femelles est gris, semblable à celui des jeunes mâles tout au long de leur vie. C’est le comportement qui permet de différencier les femelles des jeunes mâles : seuls les mâles chantent et seules les femelles couvent les œufs.
Reproduction
Les rougequeues sont principalement monogames et le couple élève deux nichées par an, composées le plus souvent de 3 à 5 jeunes, l’une au mois de mai et l’autre au mois de juillet ; les nids, construits de préférence avec de la mousse, sont tapissés de duvet (madame est douillette pendant la couvaison) et se trouvent sans exception dans les hameaux. Ils se situent souvent dans les murs d’anciennes fermes, de granges ou d’étables, rappelant leur habitat d’origine ; parfois aussi les rougequeues occupent de vieux nids d’hirondelles ou un véhicule abandonné. Une année, un couple a même niché dans le clocher de l’église… Les petits passent environ deux semaines dans le nid et sont nourris par leurs parents encore deux semaines après leur envol. A la sortie du nid, chaque parent a ses protégés, qu’il nourrit de façon préférentielle et dont il reconnaît les piaillements affamés.
Communication vocale
Depuis 2007, dans un projet de recherche commun aux universités Paris Nanterre et Jean Monnet de Saint-Etienne, nous étudions la communication dans un contexte territorial. Nous recensons chaque année les mâles chanteurs dans plusieurs hameaux dont Le Bourg, La Chaize, L’Orme, La Côte, La Fey, Vonette et Chaumay mais aussi des hameaux des communes voisines, comme Noillé ou le Genetey. Les chants des oiseaux du même hameau se ressemblent entre eux et des différences sont observées d’un hameau à l’autre. Par exemple, les quatre mâles de Vonette ont un répertoire vocal commun, de même que les quatre mâles de La Côte et les quatre mâles de Chuamay, mais leurs chants sont bien différents entre ces trois hameaux : on parle de micro-dialectes, ce qui peut faire penser aux différences entre les patois des différentes communes de la région.
Nous étudions la mise en place de ces « micro-patois » et leur persistance dans le temps. Les jeunes mâles apprennent leurs chants généralement au mois de septembre et l’année suivante, ils viennent le plus souvent s’installer comme reproducteurs dans les lieux où ils ont appris leurs chants, ce qui explique le partage vocal qui existe entre les différents oiseaux du même hameau. Dans certains hameaux, comme la Côte ou Vonette, les mêmes types de chants furent enregistrés en 2007 et 2019, ce qui montre qu’il existe des traditions vocales stables dans le temps, trois à quatre générations ayant vu le jour entre ces deux années. Les rougequeues auraient donc une forme de culture : des différences pour un comportement donné (le chant) mais des ressemblances entre les différents individus du même groupe.
Dans les prochaines années, nous allons explorer la façon dont les oiseaux réagissent à l’écoute de ces différents types de chant. En diffusant des chants grâce à des haut-parleurs nous avons appris que les mâles sont moins agressifs envers le chant d’un voisin par rapport au chant d’un oiseau de la même espèce mais qui vient d’un hameau différent. Maintenant se pose une question : comment sera perçue l’arrivée d’un étranger qui chante le « patois » du hameau respectif ? Nos connaissances concernant la biologie de ce petit oiseau s’étoffent ainsi au cours du temps, chaque découverte entraînant une nouvelle question.
Je suis arrivé à La Valla il y a précisément 20 ans pour un stage encadré par l’association BioSphère Environnement au cours de mes études de biologie à l’Université Claude Bernard de Lyon. Depuis, je m’y rends presque tous les ans, arrivant en même temps que les rougequeues noirs avec l’équipement nécessaire à l’observation, à la capture et à l’enregistrement des oiseaux. Les opérations de baguage se font avec l’autorisation du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris et les étudiants du Master Ethologie-Ecologie de Saint-Etienne viennent souvent m’apporter une aide indispensable sur le terrain pour les observations. Je profite de cette occasion pour les remercier à nouveau. En dernier lieu, je tiens aussi à remercier chaleureusement l’ensemble des habitants de la commune pour leur accueil généreux tout au long de ces années ; sans leur coopération et leur bienveillance, ces recherches n’auraient pas pu avoir lieu.
Tudor Draganoiu, Maître de Conférences, Université Paris Nanterre
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